Les insignes de Chevalier dans l’Ordre National du Mérite remis à Marie Mullet-Abrassart, présidente des SGDF – Scouts et Guides de France

Les insignes de Chevalier dans l’Ordre National du Mérite remis à Marie Mullet-Abrassart, présidente des SGDF

Le 22 février 2022, Marie Mullet-Abrassart, présidente des Scouts et Guides de France, a reçu les insignes de Chevalier dans l’Ordre National du Mérite, remis par Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, chargée de la Jeunesse et de l’Engagement. Découvrez le discours qu’elle a prononcé à cette occasion.

« Je ne suis pas très médaille. Si les comités distinctions qui existent m’entendaient ils seraient sans doute fous mais c’est vrai, je ne suis pas très médaille. Je trouve ça extra que cela puisse reconnaitre ceux et celles qui s’investissent partout et avec cœur, c’est un très beau Merci mais moi, ce n’est pas mon langage de la reconnaissance.

Alors l’ordre National du Mérite…Je dois avouer que je ne connaissais pas cet ordre au mois de mai dernier quand j’ai appris qu’un décret officialisait que l’on me remettait cette distinction. Et je ne savais pas trop quoi en penser. C’était une médaille et les médailles, je vous l’ai dit, ça ne me parle pas vraiment. Et puis du Mérite, mais je méritais quoi ? De m’être investie depuis plus de 15 ans en prenant des responsabilités chez les Scouts et Guides de France auprès des jeunes ? Nous sommes des milliers à le faire. De croire en un modèle éducatif qui permet aux enfants de construire qui ils ont envie d’être, de croire en leur capacité à agir et à prendre des responsabilités ? De m’être amusée dans ces responsabilités ? Mais il y a tellement de personnes qui font tellement plus que ça, tellement plus que moi. Il y a tellement de personnes qui chaque jour se mettent au service, en cherchant à donner un peu d’eux-mêmes auprès des plus jeunes, des plus anciens, des plus pauvres, des plus démunis. Pourquoi moi, à ce moment, j’étais récompensée d’un engagement associatif que je n’ai jamais portée seule ?

C’est fou ça, ce problème que l’on peut avoir avec les distinctions et les mercis. Ce rouge qui monte aux joues, la tête qui se tourne à droite à gauche pour voir si c’est vraiment à nous qu’on adresse ces mots. C’est fou de ne pas accueillir les choses sans avoir l’impression de faire acte d’orgueil et de regarder tout ce que l’on fait moins bien et qui indiquerait que l’on ne mérite ni ce merci ni cette médaille. C’est fou de considérer que l’on ne mérite pas parce qu’on aurait aimé faire tellement plus.

C’est en voyant la réaction de mon entourage, de mes collègues au bureau, que je me suis dit que cette médaille elle avait sans doute un sens particulier. Un sens qui me dépassait, qui n’était pas lié qu’à ce que je faisais dans mon mandat de présidente. Et puis il y eu cette phrase, lâchée rapidement au téléphone, de celui qui me pose toujours les questions qui me font autant réfléchir qu’elles m’énervent et qui disait : « tu vas en faire quoi de cette médaille Marie ? C’est quoi le message que tu veux porter à travers cette très belle récompense de la République ? » Un peu comme le jour où il m’avait posée la question : « Tu pourrais être présidente des SGDF, la question serait plutôt le veux-tu ? »

Alors je fais le choix ici d’accueillir avec un immense plaisir et une réelle gratitude, cette médaille que vous me remettez Mme la Ministre et cette distinction dont vous m’honorez. Je fais le choix de l’accepter pour moi mais aussi pour tous ceux et toutes celles avec qui je travaille depuis tant d’années, aux scouts et dans mon job de DRH, parce qu’ici et là-bas j’y porte les mêmes envies, les mêmes convictions, les mêmes engagements.

Le scoutisme m’aura appris que chaque garçon, chaque fille a sa place dans la société. Que chaque garçon, chaque fille, peut s’engager, prendre des responsabilités, être à la hauteur de mille défis, participer à la vie citoyenne et faire sa part. J’ai eu l’immense chance sur ma route de rencontrer des personnes qui ont eu confiance en moi, en ma jeunesse, en ma folie, en mon énergie pas toujours canalisée pour me confier des responsabilités. Ces responsabilités m’auront permis de porter haut et fort ce en quoi je crois : s’occuper de nos enfants, de leur éducation, de leurs rêves, de la construction de leur personnalité c’est s’occuper de notre société et de notre avenir. C’est permettre de leur offrir l’espace pour qu’ils nous bousculent et nous poussent à faire bouger ensemble les lignes d’une société plus juste et plus fraternelle.

Ce n’est pas naïf, ce n’est pas impossible. La société dans laquelle nous vivons est ce que nous en faisons, chacun, à notre échelle, à notre endroit. Penser qu’on peut la faire réfléchir et la faire évoluer est un chemin sinueux mais passionnant quand il se fait avec ceux pour qui nous la voulons plus ouverte et plus accueillante.

Le monde du travail a besoin de jeunesse, non pas pour leur offrir des opportunités de travail mais pour leur offrir la possibilité de changer les choses et d’adapter ce que nous sommes à ce que nous pourrions être. Une économie différente, portée autrement mais qui a le souci du plus jeune et du plus ancien, convaincu que se noue dans cette transmission comme dans d’autres une image d’une société inclusive.

Je suis présidente de la première association d’éducation populaire en France et c’est moi qui devrais dire Merci. Pour ce que cela m’apporte de rencontres humaines et de projets dingues. Pour les débats d’idées et les moments de crise que l’on passe ensemble. Pour ce que cela suppose d’écoute et de prise de décision. Pour l’humilité que l’on apprend quand on se trompe. Pour regarder du bord du terrain tous ces éducateurs rire en déployant un projet éducatif qui fait sens, qui donne du sens, qui porte du sens.

C’est moi qui devrais dire Merci à cette association de m’avoir prouvé et de prouver tout court qu’on pouvait avoir 33 ans à l’époque, être une femme, avoir un métier prenant, être enceinte et prendre cette responsabilité. Qu’il ne s’agit pas de « tout mener de front » ou d’être « wonder woman », qu’il ne s’agit pas d’être parfaite, sans failles, sans moment de fatigue ou des moments où l’on fait moins bien les choses. Mais de vivre ces multiples vies en étant, ancrée, confiante d’être là où l’on a envie d’être, avec la certitude que les petites filles, les femmes, n’ont ni à s’excuser, ni à s’empêcher, ni à craindre d’être celles qu’elles ont envie d’être. Ce n’est pas un péché d’orgueil de prendre des responsabilités. C’est un levier magnifique d’impact pour soutenir des convictions que l’on veut voir avancer.

Je devrais dire Merci pour avoir la chance d’emmener une association qui a une telle énergie accrochée au cœur et au corps et qui croit fermement qu’il suffit de le vouloir pour le tenter et, le réussir. Et on ne réussit jamais seule.

Je n’aime pas les médailles mais celle-ci je vais la chérir et la savourer. Pour ce qu’elle porte de l’engagement d’une femme en 2022, pour ce qu’elle ancre de ceux qui s’investissent pour que nos enfants prennent appui dans la vie et qu’ils nous dépassent. »