La première phase de préfiguration du Service National Universel (SNU) s’achève actuellement. Au service de la jeunesse, les Scouts et Guides de France ont apporté depuis le début leur expertise et leurs propositions pour que ce projet serve au mieux la collectivité. Ce qui semble se mettre en place, avec comme objectif d’être rendu obligatoire pour tous les jeunes, nous laisse pour le moins dubitatifs.
Le principe d’un service obligatoire pour tous les jeunes faisait partie des programmes de la plupart des candidats de la dernière élection présidentielle. Nous ne pouvons que partager les quatre objectifs annoncés : transmettre un socle républicain, renforcer la cohésion nationale, développer une culture de l’engagement et accompagner l’insertion sociale et professionnelle. Les moyens mis en oeuvre pour y répondre ne nous semblent pas adaptés.
Nous considérons que les jeunes ont besoin de plusieurs acteurs éducatifs, chacun avec son rôle propre : la famille, l’école et le tiers-secteur. Le SNU, tel qu’il est conçu actuellement, est présenté comme un mélange de l’école, de l’armée et de l’éducation populaire. L’armée n’a pourtant pas une mission éducative et il nous parait hasardeux de mélanger plusieurs acteurs et donc plusieurs méthodes. Certains programmes relèvent de l’école, d’autres de l’éducation populaire. Le mélange rend le projet flou et fourre-tout. Par ailleurs, nous sommes interpelés par le coût annoncé du dispositif, plus d’1,5 milliard d’euro par an. Si on peut se réjouir que l’on veuille investir enfin massivement dans la jeunesse, cette somme nous semblerait bien mieux utilisée en ciblant davantage. A titre de comparaison, le projet de cités éducatives, comprise dans la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, ne coutera que 30 millions d’euro par an. Le Service militaire volontaire (SVM) permet de sortir des jeunes de la grande précarité avec un recrutement très ciblé. Ce dispositif est infiniment moins couteux.
Nous sommes un mouvement de jeunes engagés. Nous savons que la jeunesse est déjà actuellement la tranche d’âge la plus engagée de France, qui ne demande qu’à mieux pouvoir s’engager. Les formes traditionnelles d’engagement ne correspondent pas à ces envies. Au lieu d’élargir les espaces d’engagement des jeunes, le SNU, tel qu’il se présente actuellement, veut faire rentrer les jeunes dans les espaces déjà existants et pourtant mal adaptés. Il est important, pour qu’ils aient envie de s’engager, que les jeunes se voient confier de vraies responsabilités, qu’on leur fasse confiance. Nous savons que l’engagement se base sur une adhésion libre et enthousiaste. Nous sommes donc très opposés à toute forme « d’engagement obligatoire ». Il ne peut pas y avoir de chefs et cheftaines scouts et guides de France par exemple qui seraient là par la contrainte, parce qu’ils ou elles seraient obligés de s’engager.
Enfin, nous sommes inquiets du modèle « éducatif » imposé. Chanter la marseillaise ou saluer le drapeau sont évidemment des actes patriotiques tout à fait recommandables. Encore faut-il que ces actes aient du sens et qu’ils ne soient pas des répétitions mécaniques qui auraient justement l’effet inverse. Quel est le sens de mettre des jeunes au garde-à-vous, en file indienne alors que le SNU n’est pas censé être un service militaire ? Il est important que les jeunes qui souhaitent faire la découverte de ce type d’engagement puissent le faire, mais l’imposer à 800.000 jeunes par an nous semble totalement contre-productif et inquiétant.
Depuis le début, les Scouts et Guides de France ont souligné l’efficacité potentielle de 15 jours passés de façon collective, à condition que les jeunes participent à la vie quotidienne comme la préparation des repas par exemple, et à condition que les jeunes soient impliqués en amont dans la construction du séjour. C’est exactement ce qui fait la réussite actuelle du scoutisme. Les jeunes doivent pouvoir avoir le choix entre différentes formes de séjour, ils doivent pouvoir être acteurs et actrices de leur formation. La mixité sociale sur du long terme ne peut se réussir qu’à ces conditions.
Nous avons participé gratuitement et sans rien demander en retour aux consultations. Dans les 13 départements tests, des bénévoles ont pris contact avec les préfectures et les rectorats pour contribuer aux programmes dans une démarche républicain de construction collective de la meilleure politique jeunesse possible. Malheureusement, dans la plupart des cas, nous n’avons pas eu de réponse. Certains membres des Scouts et Guides de France sont impliqués à titre personnel pour faire en sorte que ces préfigurations se déroulent le mieux possible et pour y apporter leur compétences.
A l’échelle nationale également, nous avons été auditionnés par les commissions parlementaires, par le groupe de travail installé par le président de la République. Vous trouverez ici notamment ce que nous écrivions déjà en janvier 2018. Avec d’autres organisations de jeunesse, nous avions contribué également à une tribune pour nous opposer à la militarisation du SNU et au principe « d’engagement obligatoire » Nous continuerons à assumer notre rôle d’acteur des politiques jeunesse et de mouvement engagé pour le soutien à l’engagement de tous et toutes.